Ubuhuha pour flûte seule (1996)
Dédiée à Yves Charpentier et Pierre Roullier
Création le 11 décembre 1998 par Pierre Roullier au CNR de Gennevilliers pour les 60 ans du compositeur Francis Bayer.
Durée : env. 7’. Editions Lemoine
Littéralement « souffler » en kirundi, la langue nationale de tous les habitants du Burundi.
Les ubuhuha (prononcer oubouhouha), qui étaient exécutés autrefois par les femmes lors des veillées, ont pratiquement disparus aujourd’hui. La femme se sert de ses lèvres comme d’anches pour ébranler le volume d’air contenu dans la cavité constituée par les deux mains réunies contre sa bouche. Les sons qui en résultent varient en hauteur, en timbre et intensité selon la disposition des mains et des lèvres.
C’est évidemment le sens littéral qui justifie de retenir ce terme comme titre d’une œuvre pour flûte seule et non l’écriture d’un véritable ubuhuha.
En dehors de cet aspect anecdotique s’il en fut, cette œuvre doit beaucoup aux différentes manières de jouer de la flûte de par le monde : Burundi, Indes, Iles Salomon, Rajasthan, Turquie entre autres. J’ai voulu renouer, par-delà Varèse, Jolivet et Berio avec la flûte agraire, pastorale de Debussy mais en intégrant toutes les techniques de jeu « actuelles » alors qu’on les trouvent absolument partout depuis des siècles.
Cette œuvre est une improvisation très libre, de caractère joyeux et tendre, à jouer avec fantaisie. Elle est faite de multiples motifs avec lesquels l’exécutant doit « jouer » comme s’il les « tournait » avec ses mains dans tous les sens pour finalement les abandonner au profit d’autres, y revenir, les abandonner de nouveau et ainsi de suite ; c’est finalement une œuvre qui se construit au fil des tours et des détours.
Conseils aux flûtistes pour l’exécution
Cette œuvre nécessite de se libérer des barres de mesure et de trouver par-delà la complexité de l’écriture une réelle simplicité de jeu en évitant de céder à un jeu brillant gratuit ; pas d’emphase ici, c’est pourquoi l’extrême aigu est banni sauf à un seul moment qui est une exacerbation du caractère joyeux de l’œuvre.
L’écriture tient compte du timbre non homogène et des hauteurs non tempérées des doigtés « factices » indiqués sur la partition. Ces enchaînements de doigtés sont choisis pour leur simplicité dans la vitesse ; il n’y a donc pas d’échelle fixe de 1/4 ou 1/3 de ton qui détermine la structure de l’œuvre, mais à certains endroits, une succession de doigtés engendrant des hauteurs au timbre étrangement expressif qu’il ne faut en aucun cas corriger sous peine de détruire la fragilité de l’œuvre.
Claude Barraud, peintre - intersections