Paper Music pour piano seul (2021)
Dédiée à Fabrizio Viti.
Première audition le 28 avril 2022 à l’auditorium du conservatoire de Fermo (Italie).
Création mondiale le 12 novembre 2022 à New-York par le dédicataire.
Durée : ca. 4’30 – Éditions Delatour France
Sera annexée à la partition ma conférence intitulée Composer après John Cage ? prononcée lors d’un séminaire organisé par le conservatoire de Fermo (Italie) les 28 et 29 avril 2022 : Lo statuto dell'opera nella musica contemporanea : estemporizzazione, improvvisazione, alea e nuovi segni. Le soir du premier jour, Paper Music a été donnée en avant-première de la tournée de création 2022/2023 (Brooklyn, Milan, Rome et Paris).
Les circonstances de cette courte œuvre est un happening musical intitulé Cage’s Project organisé par le compositeur Paolo Rosato.
La création a eu lieu lors du XXIV International Chopin & Friends Festival à New-York, le 12 novembre 2022 au Polish and Slavic Center (Brooklyn) sous la dénomination de EMPTY SWOSCIS.
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J’ai retenu de la démarche du compositeur John Cage le fait qu’il a contribué à susciter une autre écoute de la musique en intégrant les bruits, l’aléatoire et le hasard au cœur même de ses compositions, ne les rendant pas figées une fois pour toute.
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Dans cet esprit « Fluxus », Paper Music a pour idée première une interrogation sur ce qui aujourd’hui correspondrait à une démarche aussi radicale. Autant celle de Cage, et de certains de ses contemporains des années soixante, était de « laisser les sons être ce qu’ils sont » sans aucune règle (le mainstream de l’époque), autant aujourd’hui ce ne peut plus être le cas, tout du moins énoncé de la sorte.
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Ce qui à mon sens caractérise notre époque est le nivellement de toute échelle de valeur : tout le monde peut se déclarer compositeur (grâce à la MAO : Musique Assistée par Ordinateur) et le souci d’écrire une œuvre destinée à entrer « au répertoire » recule au profit de l’éphémère où rien n’est fait pour durer.
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En considérant n’importe quel son comme étant musical, Cage produit des œuvres où l’hétérogène et le disparate sont la « règle », ce qui peut paraitre paradoxal pour celui qui avait pour but d’abolir… les règles ! Cela se traduit dans mon écriture par un changement constant de mode de jeux, registres, articulations, timbres, vitesses, intensités… J’ai transposé musicalement et prolongé les problématiques ouvertes par Cage, en écrivant une véritable œuvre pour piano mais sans cesse perturbée par les vibrations de feuilles de papier posées sur les cordes du piano. En créant ainsi un parasitage plus ou moins important de la musique, cela empêche tout possibilité d’une véritable écoute réflexive et sensible, à l’image de notre mode de vie actuelle où les actions humaines (papier = culture = écrit = technique = asservissement) étouffent et détruisent notre environnement (pureté des sons = nature = silence = résonance = oralité = spontanéité = liberté).
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De plus, la notation proportionnelle de l’écriture renforce la part d’indéterminisme car, outre les perturbations induites par les papiers posés sur les cordes, elle laisse à l’interprète une certaine liberté d’exécution rendant chaque exécution un peu différente.
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Le résultat sonore très perturbant est destiné à faire prendre conscience de préserver notre bien le plus précieux : la nature et sa fragilité, environnement dans lequel nous évoluons et qui lui-même nous habite, au risque de nous perdre nous-mêmes.
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L’œuvre peut être jouée telle quelle (sans les feuilles de papiers déposées dans le piano). Dans le cadre de ce projet, elle a été pensée pour être perturbée par les vibrations des feuilles (effet percussif.) Le nombre de feuilles (A4 80gr) n’est pas déterminé. Si certaines notes ne sont pas recouvertes par celles-ci, cela n’a pas d’importance.
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Selon la volonté de l’exécutant, de l’organisateur, du contexte dans lequel l’œuvre sera jouée, les feuilles peuvent être toutes disposées à l'avance ou posées au fur et à mesure. Dans le cadre d’un happening, les spectateurs (où certains d’entre eux) ou d’autres instrumentistes ou danseurs, etc., peuvent se lever et déposer eux-mêmes les feuilles dans le piano pendant l’exécution de l’œuvre. Ce peut être aussi le pianiste (ou un faux tourneur de page) qui, au fur et à mesure place dans le piano les feuilles.
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