Les Modulations - Les Instantanés 2ème cahier (2012/2013) pour piano 4 mains (ca. 15'30)
​
(Orchestration de l’œuvre sous le titre Six Instants pour orchestre)
Création de Traces (n°1) le 29 mai 2013 au CRD de Montreuil par Florestan Boutin et Mickaël Ertzscheid.
Création de l’ensemble du cycle le 11 décembre 2015 au Centre Culturel Baschet de Saint-Michel-sur-Orge par Nolwenn Mahé et Ainhoa López de Dicastillo, dédicataires.
Durée totale du cycle : ca. 15’- En attente d'édition
« Mes instantanés sont un griffonnage au crayon ou à l’encre, un peu de couleur, et voilà tout. » Van Dongen.
En 2001, l’objet de mes 1er Instantanés pour piano seul (en 5 parties) était le suivant : « Ce recueil de courtes œuvres ne s’apparente ni à des esquisses, ni à des études ou des préludes, ni à des variations au sens classique du terme, bien que la cohérence formelle soit assurée par un travail de variantes des motifs qui traversent l’œuvre de part en part. Cette sorte de carnet de voyage, tels de rapides croquis, implique pour chacune des pièces des gestes musicaux différents, nerveux, incisifs, précis où tout est plus suggéré que développé ».
Mes Modulations pour piano 4 mains (en 6 parties) en prolongent l’esprit et développent les potentialités contenues dans les fondamentaux de mon écriture.
Chaque titre reflète le projet poétique et formel de chacune des parties.
Chaque partie a sa cohérence propre et doit être enchainée à la suivante.
L’ordre des parties est déterminé car pensé comme un tout organique ayant une direction.
Dans un cadre non professionnel, il est toujours possible de ne jouer que certaines parties.
​
n°1 - Traces (ca. 3') : est une commande du duo 4 mains formé par les pianistes Florestan Boutin et Mickaël Ertzscheid qui, pour fêter l’anniversaire des 100 ans du Sacre du printemps de Stravinsky, ont commandé à dix compositeurs une courte œuvre de 3’ maximum. Celles-ci étaient destinées à être jouées en même temps que le Sacre dans sa version originelle pour piano 4 mains. Plutôt qu’écrire un Hommage à Stravinsky, j’ai préféré réfléchir sur l’impact et les traces personnelles que cette œuvre d’une puissance et d’une énergie incroyable ont laissé en moi, irriguant encore aujourd’hui certains aspects de mon écriture. Dans ce « Sacre en miniature », un écho lointain de plusieurs motifs apparentés à ceux du Sacre est perceptible. Outre une constante énergie, il y a quelque chose de très cubiste dans l’écriture : les mêmes éléments constitutifs se succèdent de façon plus ou moins abrupte (forme musicale par blocs), ponctués par un élément de rupture, paradoxalement mélodique : les premières notes de basson au début du Sacre qui, au fur et à mesure de ses retours, s’enrichit de notes supplémentaires jusqu’à une quasi citation de la mélodie entière. Plusieurs procédés constitutifs du Sacre lui-même sous tendent l’ensemble des parties : la dureté/brutalité, une énergie/densité constante, un élément de suspension du temps par tenues et/ou trilles, l’effet de chute, le principe de répétition, des sons de cloches, auxquels s’ajoutent mes propres procédés : le timbre et les intensités comme éléments structurants, une instabilité constante génératrice de mouvement, les transitions par contraste.
n°2 - Insert (ca. 2') : sur un calme fond sonore de notes chromatiques répétées de façon régulière dans tous les registres, des incrustations/inserts de figures/motifs/gestes très brefs et nerveux se détachent comme autant de remémorations et anticipations des autres parties.
n°3 - Modulations (ca. 1'30) : ce moment de transition extrêmement dense, si ce n’est tendu, déploie un espace sonore à la limite de la saturation mais non « bruitique ». Constitué d’un unique accord en tremolo, celui-ci est « animé de l’intérieur » par divers procédés d’incrustations de timbres, de couleurs, de mode de jeux, de rythmes. Un motif d’appel ouvre sur les parties suivantes.
​
n°4 - Effacement/Emergence (ca. 3') : comme son titre l’indique, ce moment de temps suspendu aux diverses plages de couleurs, est rendu par une écriture de sons tenus et frémissants. Les motifs émergent à peine de ce fond sonore et jamais ne s’affirment : ils disparaissent, s’effritent dès qu’ils semblent installés.
n°5 - Vortex (ca. 5') : circulation de l’énergie à l’état pur, c’est le vertige de l’ordre et du désordre où rien ne reste en place. Tout fluctue en un maelstrom puissant et très turbulent, fait de volutes, de changement de régime, de réminiscences en un patchwork, bigarré et composite, où les attentes et ruptures sont constantes. C’est une intégration et synthèse de tous les procédés d’écriture de l’œuvre en un raccourci saisissant, au sens physique du terme.
​
n°6 - Empreintes (ca. 1') : courte partie conclusive où ne reste que la résonance d’infimes fragments de divers moments de l’œuvre. Pour paraphraser le plasticien Claudio Parmiggiani, il ne reste plus que « les ombres des choses ». C’est « le silence après le désastre », l’émotion dans ce qu’elle a de plus intime. Une écriture en creux, fragile, fugitive, ruine immatérielle et fantomatique, sorte d’écriture blanche. A l’œuvre, un procédé d’oubli, de disparition ouvrant sur une expérience quasi mystique.
​
​