Commande de Radio France pour la compagnie de danse Nathalie Pernette, dédicataire.
Création le 15 janvier 2011 au CENTQUATRE à Paris lors du week-end "Eh bien dansons maintenant!" sous la direction du compositeur.
Durée : env. 8'
Cette commande musicale de Radio France, impliquant l'intervention du public, a été conçue pour être le final du spectacle de danse de la compagnie Nathalie Pernette intitulé "comment écouter la musique avec ses pieds...". Ce spectacle à visée pédagogique était construit avec des jeux et différentes mise en mouvement du public et des 3 danseurs sur scène.
Les gestes musicaux trouvent naturellement leur source dans la danse. Par exemple, "le jeu de l'ombre" consiste pour chaque danseur à choisir un partenaire parmi les spectateurs et le faire monter sur scène. Chacun se suit l'un l'autre via un brusque retournement, dans une gestuelle très lente avec de brèves accélérations.
Cet exemple de jeu est à l'image du travail de Nathalie Pernette dont les sources d'inspiration multiples font références aux insectes, à une humeur, une interaction de personnes, une partie du corps entrainant le reste, etc. Le résultat donne une danse vive, saccadée, changeant brusquement (accélérations, decélérations), d'une grande énergie et vivacité, caractérisée par un émiettement, une instabilité, une exacerbation des gestes et sentiments. Les gestes souvent contrariés n'arrivent pas là où ils le devraient, c'est-à-dire là où on les attend, tant la succession des évènements est mouvante et fluide.
Ma conception de la forme musicale, que j'appelle "forme ouverte", rejoint sur bien des points cette conception de la danse. Ma musique s'auto-engendre en un mouvement continu de spirales qui se recoupent sans cesse. Au fur et à mesure, souvent, chacun des motifs s'enrichit de caractéristiques empruntées à d'autres motifs en une sorte d'abolition progressive du temps. Cette musique relève d'un état nerveux d'une extrême mobilité et instabilité : ce sont des "jeux d'ombres" où ce qui est dans la clarté un instant sera dans l'ombre l'instant suivant. De fulgurants "arpèges", suivit de résonances, traduisent les accélérations et les surgissements inattendus. Un travail d'instrumentation très précis participent à l’élaboration de la forme, comme si chaque instrument colorait l'autre en une sorte de doublure, d'ombre décalée. Ainsi, le cymbalum double le piano et réciproquement, les 2 violons se répondent ou s'opposent. Seule la clarinette basse, plus soliste, semble émerger.
Par delà l'éclatement des détails, quelque chose de stable et de plus lent en profondeur soutient l'ensemble. Si la danse en acte était la métaphore de la vie, prendre du recul signifierait alors écouter globalement et non dans le détail. On peut y voir une certaine philosophie de l'existence.