Et puis autre chose encore
pour voix d'homme seule (1993)
Texte de Frédéric Mitterrand extrait des Lettres d’amour en Somalie (éditions du regard, 1983)
Dédiée à Pascal Sauzy
Création Musicora (Paris) 1996
Éditions Henry Lemoine
Durée : ca. 9'
Écrire pour voix d’homme seule est un défi à bien des égards ; peu d’œuvres de ce genre existent : la « lourdeur » et l’inertie de la voix masculine a priori défavorables, font opter pour la voix féminine, souvent plus légère, plus ductile et plus virtuose.
Pourtant la voix d’homme peut être très virtuose, maintes œuvres passées et présentes l’attestent ; elle a - parce que grave - une grande richesse de timbre ainsi qu’une grande flexibilité dans les changements de tessiture.
Reste cet écueil : la clarté dans la vitesse ; mais cela est affaire de gosier, non d’impossibilité d’écriture.
La lettre de Frédéric Mitterrand, de caractère mélancolique, recèle –parce qu’évocation de situations diverses- une multiplicité de sentiments, d’affects très opposés, voire contradictoires. Cela rejoint mes préoccupations de compositeur : juxtaposer dans un court laps de temps des situations musicales très différentes ; la cohérence de la forme étant assurée par un nombre de motifs de base restreint soumis à un grand travail de variation et à l’opposé, par le retour d’éléments quasi inchangés. La forme est comme une variation continue, suite d’associations d’idées s’interpellant mutuellement.
La richesse de timbre est donnée ici, non par une technique non conventionnelle de la voix –au contraire, tout ce qui est demandé est on ne peut plus traditionnel- mais par une juxtaposition inhabituelle des divers procédés vocaux.
Toutefois, par-delà ces éléments stylistiques, une constante demeure : de longues phrases très soutenues –quelquefois jusqu’à la limite du souffle- ponctuées par la répétition des deux mots : « je veux ». Cette répétition acquière un sens profondément dramatique car la personne qui les prononce n’est plus dans la position de vouloir quoique ce soit : elle a été quittée et pleure de douleur.
La musique joue ici avec ce qui lui est propre : donner l’envers de la chose avec la chose elle-même ; d’où un phénomène d’opposition généralisé : aigu/grave, lisse/orné, fort/doux, bouche ouverte/fermée, long/court, timbré/dé-timbré, voix de poitrine/voix de tête, etc., traduisant ainsi l’ambivalence des sentiments de celui qui parle.