Cendres pour piano et quatuor à cordes (2019)
Dédié à Claude Barraud
Création le 31 janvier 2022 salle Poirel à Nancy par Ancuza Aprodu, piano et le quatuor Stanislas
Révision en novembre 2022 (en attente de la création de la nouvelle version)
Durée : ca. 25' - Éditions Delatour France
Suite au décès d'une amie de longue date – sculpteur et céramiste – ses cendres sont répandues au cœur de la zone humide de l'estuaire de la Gironde en un lieu luxuriant où la nature est particulièrement vivante/vivace et enveloppante. Elle partageait sa vie avec Claude Barraud, peintre, qui nous a guidé dans ce lieu « secret », élu comme leur lieu.
Violence de l'épitaphe : "finalement, on est peu de chose" – violence des cendres dispersées.
De cette expérience profondément bouleversante, est née Cendres, œuvre extrêmement contrastée. J'ai fait mien ce cheminement au sein de la nature, les écrits de Philippe Jaccottet et Philippe Soupault ouverts à mes côtés, poètes ayant vécu pareille douleur. Trois états traversent l’œuvre :
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exubérance, prolifération, contrastes, foisonnement/enveloppement de la nature
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apaisement, consolation, effacement, disparition, trace, silence
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éternel retour, arrêt progressif et suspension du temps
Depuis longtemps, je désirais composer un quintette pour piano et cordes, formation pour laquelle Schumann, homme brisé et double, a si bien écrit. S'il fallait par delà le temps rendre un hommage à ce compositeur de l'intime, Cendres, sorte de déploration ou de rituel animiste pour une amie disparue, le serait.
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Signes qui sont des aides, et qui se raréfient.
Et finalement, en désespoir de cause, presque trois ans jour pour jour après ce matin à Truinas, cette résolution de se contenter – mais contenter est trop dire – du travail fait.
Parce que ce que j'ai essayé là de retenir devient quelque chose de plus en plus lointain.
Quelque chose qui finira par ressembler à une langue étrangère que l'on aurait longtemps cru comprendre et même osé parler, et qui vous deviendrait peu à peu inintelligible.
Ou à un remède longtemps efficace qui n'agirait plus, et auquel on ne parviendrait à trouver aucun substitut.
Ou ce serait comme une main qui se retire, un visage qui se détourne.
Le soleil de la vie qui recule d'un pas, puis de beaucoup de pas.
Je me demande s'il peut encore passer un oiseau dans ce ciel là.
Philippe Jaccottet
Truinas
le 21 avril 2001
(Éditions La Dogana)
RIEN
Plus rien même pas de la cendre
même pas le souvenir plus rien
Plus rien sauf cette joie de l'oubli
ce vent de l'oubli qui arrache tout
détruit tout et saccage le reste
Le moment est enfin venu de ne plus espérer
de ne plus attendre de ne plus croire
de ne plus s’imaginer de ne plus trembler
savoir qu'on ne craint plus le vide
que tout est consommé consumé désincarné
que ce qui n'était plus plus rien
même plus rien même pas le néant
Je ne ricane plus je ne souris plus
je ne baisse plus les yeux ni ne les lève
je ne les frotte même plus je ne dors pas
je veille comme une pierre sans son ombre
et je suis transparent comme le temps
je vis comme vivent les nuages et la fumée
je m'efface et jusqu'aux dernières traces
Philippe Soupault
Poèmes retrouvés 1918-1981
(Édition Lachenal & Ritter)