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2ème quatuor à cordes « 3 eaux-fortes à la manière noire » (2005-2006)

2ème quatuor - Quatuor Bela
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Analyse de l’œuvre

Joseph Delaplace - L'écriture musicale de Bernard de Vienne

Éditions l'Harmattan

Le 2ème mouvement : les ombres de la nuit -de nature plus apaisée- s’inspire du poème anonyme  je meurs sans mourir qu’Anthoine Boesset (1587-1643) mit en musique dans un de ses plus fameux airs de cour. Durée : env. 5’

 

Je meurs sans mourir nuit et jour,

Et sans voir la main qui me tue :

Destins qui m’en donnez l’amour,

Pourquoy m’en ostez vous la veue ?

Ce qui reste n’a point d’appas ;

C’est peu que devoir tout quand je ne la voy pas.

Le ciel de mon aise jaloux

Se plaist en mon inquiétude ;

Je fuy les objets les plus doux ;

La Cour m’est une solitude,

Je préfère à tous vos appas

Les ombres de la nuit et celle du trespas.

 

Le 3ème mouvement : bleu frais et luisant au fond du ciel noir -de nature plus légère- s’inspire d’un court texte de Pascal Quignard extrait de son livre Les ombres errantes (Éditions Grasset). Durée : env. 3’

 

Les nuages noirs dans le ciel, comme ils se déchiraient, la voûte bleue parut soudain dans un état de nudité dont il m’est difficile de donner l’idée. Le bleu était frais et luisant au fond du ciel noir.

Création le 8 avril 2010 par le quatuor Debussy à l'Espace

Musical – le Tambour – Université Rennes 2.

Reprise par le quatuor Bela le 9 février 2012 (Rennes 2)

Durée : ca. 14'. Éditions François Dhalmann

 

Cette œuvre est écrite en trois mouvements de nature et caractère opposés.

Le sous-titre souligne le travail de composition : cette technique de gravure « à la manière noire » permet à partir d’un noir absolu de tirer tous les dégradés de couleur grise jusqu’au blanc le plus pur par petites touches successives et correspond au caractère général de ce quatuor -la nuit-  tel qu’un certain humanisme mélancolique peut l’énoncer : « Je suis dépourvu de foi et ne puis donc être heureux, car un homme qui risque de craindre que sa vie ne soit une errance absurde vers une mort certaine ne peut être heureux. Je n’ai reçu en héritage ni dieu, ni point fixe sur la terre d’où je puisse attirer l’attention d’un dieu; on ne m’a pas non plus légué la fureur bien déguisée du septique, les ruses de Sioux du rationaliste ou la candeur ardente de l’athée. Je n’ose donc jeter la pierre ni à celle qui croit en des choses qui ne m’inspire que le doute, ni à celui qui cultive son doute comme si celui-ci n’était pas, lui aussi, entouré de ténèbres. Cette pierre m’atteindrait moi-même car je suis bien certain d’une chose : le besoin de consolation que connaît l’être humain est impossible à rassasier »

Stig Dagerman : Notre besoin de consolation est impossible à rassasier – Éditions Actes Sud

 

Le 1er mouvement : la nuit remue -de nature véhémente- est l’illustration musicale des textes d'Henri Michaux regroupés sous ce nom (thème de la drogue, des cauchemars, mais aussi de la joie la plus délirante…). Durée : env. 6’

 

« Tout à coup, le carreau dans la chambre paisible montre une tache.

L’édredon à ce moment a un cri, un cri et un sursaut ; ensuite le sang coule. Les draps s’humectent, tout se mouille.

L’armoire s’ouvre violemment ; un mort en sort et s’abat ; Certes, cela n’est pas réjouissant.

Mais c’est un plaisir que de frapper une belette. Bien, ensuite il faut la clouer sur un piano. Il le faut absolument. Après on s’en va. On put aussi la clouer sur un vase.  Mais c’est difficile. Le vase n’y résiste pas. C’est difficile. C’est dommage.

Un battant accable l’autre et ne le lâche plus. La porte de l’armoire s’est refermée.

On s’enfuit alors, on est des milliers à s’enfuir De tous côtés, à la nage ; on  était donc si nombreux !

Étoile de corps blancs, qui toujours rayonne, rayonne… »

Henri Michaux : La nuit remue (1er texte) – Éditions Gallimard

 

 

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